Cegetel attaque France Télécom en justice!
TÉLÉCOMMUNICATIONS Le groupe dénonce «une campagne de publicité trompeuse»
La bataille du téléphone redouble d'intensité en France. Pour la première fois, Cegetel est sur le point d'attaquer France Télécom devant le tribunal de grande instance de Paris, pour utilisation de son nom sans autorisation dans le cadre d'une communication «à des fins parasitaires». L'opérateur historique vient de lancer une campagne de publicité posant notamment la question : «A votre avis, comment font Cegetel, Neuf Telecom ou Tele 2 pour acheminer les communications ?» Et il y répond : «Comme vous : ils passent par le réseau de France Télécom.»
Cegetel a déposé une demande de référé pour interdire cette publicité. «Cette campagne trompeuse traduit un état d'esprit impérialiste de France Télécom qui ne joue pas le jeu de la concurrence. Elle n'est pas factuelle et pas responsable», affirme Denis Martin, président du directoire de Cegetel, pour qui «le mal est fait. La campagne est passée dans tous les journeaux leaders d'opinion».
Cegetel demande que cette publicité «soit arrêtée vendredi au plus tard. Nous souhaitons envoyer un signal fort pour que cela ne se reproduise plus. Nous avons très bon espoir de gagner», affirme Denis Martin.
Le président du directoire de Cegetel souligne que la filiale de Vivendi Universal possède son propre réseau pour acheminer les communications de ses clients et leur permettre d'accéder à l'Internet. Le deuxième opérateur français a investi près de 1,5 milliard d'euros dans ses infrastructures depuis sa création en 1997.
Il a déjà consacré 150 millions d'euros pour l'Internet rapide (ADSL) depuis 2003. «Cette publicité est fausse, insiste Denis Martin. Et elle n'est pas responsable car elle décrédibilise la concurrence. France Télécom, qui bénéficie d'une rente de situation exceptionnelle dans le fixe, devrait avoir un discours responsable vis-à-vis de ses concurrents.» Selon lui, la France n'aurait pas rattrapé son retard dans l'Internet sans concurrence. Et les prix de la téléphonie fixe ne seraient pas à leur niveau sans la fin du monopole.
Sept ans après la déréglementation du marché français, Denis Martin souligne que France Télécom contrôle toujours au moins 80% du marché de la téléphonie fixe en valeur. Il constate que le groupe dirigé par Thierry Breton dispose d'un monopole sur l'abonnement téléphonique, qui lui a rapporté 4,1 milliards d'euros l'an dernier. «Une augmentation de l'abonnement mensuel d'un euro lui rapporterait immédiatement 330 millions d'euros supplémentaires», souligne le président du directoire de Cegetel.
Les concurrents de France Télécom, aujourd'hui encore, sont obligés d'utiliser le dernier kilomètre de réseau de l'ex-monopole pour desservir leurs abonnés. En théorie, ils peuvent s'en affranchir, grâce à une technique baptisée «dégroupage total» imposée par l'Autorité de régulation des télécommunications. Mais son déploiement est difficile pour des raisons administratives et tarifaires. Aujourd'hui, seules 51 000 lignes sont «totalement dégroupées» sur un marché de plus de 33 millions de lignes téléphoniques. Les concurrents de France Télécom souhaitent que le régulateur leur facilite la tâche pour être enfin totalement indépendants du réseau de l'opérateur historique. Dans certains pays, comme en Corée du Sud, où l'Internet rapide est particulièrement développé, les derniers mètres de fil de cuivre qui arrivent dans les foyers n'appartiennent pas à l'opérateur historique. «France Télécom en est propriétaire aujourd'hui grâce à la politique industrielle menée par l'Etat dans les années 70. Posséder ce bien collectif lui donne des devoirs et des responsabilités, affirme Denis Martin. C'est pour cette raison qu'il doit donner accès à cette partie de son réseau et il serait absurde que d'autres opérateurs investissent pour la dupliquer.»
Source: http://www.lefigaro.fr/eco-hitech/20041021.FIG0071.html