Les pièges des conditions générales de vente!

Publié le par Pilote

Introduction

FAI, opérateurs, commerçants en ligne concoctent des contrats incluant de multiples clauses abusives. Les associations de consommateurs attaquent en justice !

Tribunal de grande instance de Nanterre, le 2 juin 2004 : AOL est condamné pour « clauses abusives et illicites » . Sur 36 points des conditions générales de vente du fournisseur d'accès (FAI) contestées par l'UFC-Que Choisir, 21 sont déclarés nuls. Et certains ne relevaient pas du détail. AOL s'octroyait ainsi le droit de modifier unilatéralement ses conditions générales de vente (CGV), de résilier le contrat sans motifs valables ou d'augmenter ses tarifs sans contrepartie pour le client.

Cas isolé ? Pas du tout, la plupart des FAI et certains sites d'e-commerce ont concocté des contrats totalement déséquilibrés : la société s'arroge tous les pouvoirs et le consommateur, lui, n'a aucun recours. Pourquoi tant d'abus ? Il existe encore peu de jurisprudences et les professionnels en profitent. Le procès AOL ouvre enfin la porte à des actions de plus grande envergure. Et les associations de défense des consommateurs et le législateur s'intéressent de près à ces contrats abusifs. Ainsi, selon nos informations, l'UFC-Que Choisir a lancé des actions en justice contre Free, neuf telecom, Tiscali et Wanadoo pour faire annuler de nombreuses clauses des conditions générales de vente de ces FAI. Depuis le 1 er  février 1995, l'article L132-1 du Code de la consommation et l'application de la théorie des clauses abusives permettent en effet au consommateur non-professionnel d'être protégé et de faire valoir ses droits vis-à-vis de la société qui impose des clauses illicites.

Un simple clic comme signature

Dans les faits, les affaires traitées en justice se comptent sur le bout des doigts. Orange en 1999, Pere-Noel.fr en 2003 et AOL en 2004 sont les plus connues, et les plus médiatisées. « La théorie des clauses abusives a été instituée pour lutter contre les déséquilibres contractuels, explique maître Muriel Cahen, avocate spécialisée dans le droit de l'Internet. En effet, certains professionnels profitent de leur position " dominante " pour inscrire dans les contrats des clauses créant un déséquilibre dont le consommateur est la victime sans s'en apercevoir. » Et c'est d'autant plus vrai avec les contrats en ligne. La version électronique prime sur la version imprimée et un simple clic sur un bouton « J'accepte les conditions générales de vente » fait office de signature, et donc d'engagement.

Or, le consommateur peu informé clique bien souvent les yeux fermés sans réellement savoir qu'il abandonne alors tout recours. Et se résigne bien souvent par la suite à laisser les choses telles quelles. Il admet avoir fait l'erreur de ne pas lire les conditions générales de vente et s'y astreint. Une naïveté dont profitent toujours les professionnels pour le forcer à se réengager à son insu sur de nouveaux contrats tout aussi contestables. Ainsi lors du passage à un débit supérieur sur l'ADSL, certains FAI exigent un réengagement d'un an, voire de deux, sur un nouveau contrat.

De même, lorsqu'un consommateur souscrit une offre de téléphonie fixe sans engagement de durée et qu'il s'abonne ensuite à l'ADSL chez le même fournisseur, il signe sans s'en apercevoir un contrat dont les conditions stipulent qu'il s'engage pour un an pour la téléphonie. Dès lors, plus de résiliation possible avant la fin de la durée d'engagement. Et ce ne sont que quelques exemples.

Une commission des clauses abusives

Pour examiner les modèles de contrats types proposés aux consommateurs et y débusquer les clauses présentant un caractère abusif, une Commission des clauses abusives a été instituée ( www.clauses-abusives.fr ). Cet organisme rattaché au ministère de la Consommation passe au crible les contrats et émet des avis qui sont souvent suivis par une action en justice des associations de consommateurs comme ce fut le cas pour Orange et AOL. « On essaie toujours de négocier avant d'entamer une procédure judiciaire, explique Sandra Woehling, juriste pour l'UFC-Que choisir. Mais quand on n'obtient pas de résultats satisfaisants rapidement, l'action en justice est indispensable. Et si Free, neuf telecom, Tiscali et Wanadoo sont sur la sellette aujourd'hui, les autres ne sont pas pour autant de bons élèves », admet-elle.

Les clauses visées sont toujours les mêmes : l'obligation de respecter des codes de bonne conduite sous peine de résiliation, la primauté des conditions en ligne sur les conditions générales imprimées, l'exonération de toute responsabilité du professionnel, etc. La liste est longue. Mais les associations ont un pouvoir limité et toute clause déclarée nulle peut très bien être remplacée par une autre tout aussi abusive. La Commission des clauses abusives admet que ses recommandations concernent les contrats examinés à un moment précis. Tout peut changer très vite.

« On observe même des modifications en cours de procédure, ajoute Sandra Woehling. C'est un travail sans fin. » Et lorsqu'un client attaque, à titre individuel, un professionnel, la plupart du temps la société condamnée se limite à ne plus appliquer la clause pour le client qui a agi en justice ; mais elle n'est pas pour autant supprimée des CGV.

L'image de marque en question

Toutefois, la bataille du pot de terre contre le pot de fer ne semble pas pour autant vouée à l'échec. Car même si AOL a fait appel de la décision du 2 juin, le FAI a dû se résigner à une exécution provisoire du jugement et a retiré les clauses litigieuses de ses contrats. Et avec la multiplication des jurisprudences et la vigilance accrue des consommateurs, les professionnels devraient rapidement devenir plus raisonnables sous peine de voir leur image de marque ternie. Jean-Michel Soulier, directeur général de Tiscali, a décidé de prendre les devants : « Nous allons nettoyer nos CGV dans les prochaines semaines », nous confiait-il récemment. Même discours chez AOL, dont le PDG, Carlo d'Asaro Biondo, affirme vouloir jouer la transparence.

Quant à l'action en justice de l'UFC-Que Choisir contre Free, neuf telecom, Tiscali et Wanadoo, la décision du tribunal n'est pas attendue avant 2005. Du côté des opérateurs de téléphonie mobile, à la suite de la décision rendue sur le contrat d'Orange qui avait notamment pointé du doigt les conditions de résiliation, l'UFC-Que Choisir est en négociation avec les opérateurs SFR et Bouygues. Parmi les clauses surveillées de près, l'obligation de moyens et non de résultats ou encore la possibilité de changer le numéro de l'abonné sans préavis et sans indemnités.

Les agences de voyage sous surveillance

Les clauses abusives ne se limitent pas aux FAI et aux opérateurs téléphoniques : l'UFC-Que Choisir surveille de près les agences de voyage en ligne et notamment le fait qu'elles s'exonèrent de leur responsabilité lorsqu'elles organisent un voyage « forfait » (hôtel + avion), via une clause largement usitée aujourd'hui.

Les sites d'e-commerce dans leur globalité sont aussi dans la ligne de mire, surtout pour les clauses qui concernent les photos dites non-contractuelles. « Et ce n'est que la partie visible des contrats sur laquelle nous pouvons agir, explique Sandra Woehling. Nous sommes impuissants pour tout ce qui est invisible, comme la poursuite des prélèvements après résiliation. Sur ce point précis, nous ne pouvons pas attaquer en justice pour clause abusive. »

La résiliation à sens unique

Les fournisseurs d'accès s'octroient le droit de résilier le contrat sans préavis à la suite d'un incident de paiement, sans autre précision, alors qu'un refus de paiement peut être justifié. Le contrat peut aussi être interrompu à la suite d'un manquement à un « code de bonne conduite » sans que le client soit informé précisément de son contenu.

La limitation de responsabilité

Les FAI et les opérateurs de téléphonie s'exemptent d'office de toute responsabilité en cas d'interruption du service. Aucune réclamation possible si le réseau GSM tombe en panne ou si la connexion à Internet est bloquée. Le professionnel se contente d'une obligation de moyens et non de résultats.

Les modifications unilatérales du contrat

Opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d'accès peuvent décider de modifier unilatéralement leurs conditions générales de vente sans prévenir leurs clients. Un simple changement des CGV en ligne est réputé accepté par le client.

La restriction des actions en justice

Tout est fait dans les contrats pour contrarier l'action en justice des consommateurs. Les CGV sont soumises à la compétence exclusive du tribunal de commerce alors que le client, qui n'est pas un commerçant, devrait pouvoir agir en justice devant le tribunal de son choix.

La facturation des usages « anormaux »

Certaines clauses prévoient une résiliation pour une utilisation « anormale » du service - sans que soit précisément définie l'utilisation normale - ou des pénalités en cas de dépassement d'un plafond de données transférées ou de minutes de communication sans mettre à disposition du client un compteur lui permettant de maîtriser sa consommation.

Ni illicites, ni abusives, certaines clauses parfois inattendues ponctuent les conditions générales de ventes. Ainsi, pour éviter les copies illégales, les CD et DVD dont l'emballage a été ouvert ne sont pas remboursés. Si le DVD comporte un défaut de fabrication, l'échanger relève du chemin de croix. Les commerçants préviennent aussi qu'ils ne sauront être tenus pour responsables en cas de force majeure, d'inondation, de grève, d'incendie. Le consommateur ne peut que compter sur sa bonne étoile.

De même, aucune responsabilité ne peut être retenue pour tous les dommages indirects, perte d'exploitation, perte de profit ou frais qui surviendraient du fait de l'achat et de l'utilisation d'un service. Novices en informatique, attention : les marchandises qui vous seront livrées et facturées restent la propriété du site jusqu'au paiement intégral de leur valeur.




Les CGV : les bons élèves

Heureusement que certains commerçants proposent des contrats clairs et accessibles dès la première page de leur site. Avec eux, le consommateur est rassuré.

Pixmania

Les conditions générales de vente de ce site marchand sont accessibles dès la page d'accueil, concises et faciles à lire. Seul regret : certaines photos affichées ne sont pas contractuelles.

Club-Internet

Ce FAI se classe parmi les bons élèves pour la facilité d'accès à ces conditions générales de vente, grâce à un moteur permettant d'obtenir rapidement les clauses les plus importantes.

Fnac.com

Les conditions générales de vente de l'agitateur culturel sont accessibles à partir de toutes les pages et elle sont classées par type de produits (voyages, billetterie, produits culturels et matériels).

Carrefour Multimédia

Claires et accessibles, les conditions générales de vente n'ont fait l'objet d'aucun changement depuis avril 2004, un record pour un contrat en ligne.




Les CGV : les mauvais élèves


Pages à imprimer soi-même, caractères microscopiques, garantie inexistante... certaines CGV font tomber le consommateur de Charybde en Scylla.

Wanadoo

Tous les FAI pourraient figurer ici, mais une mention spéciale est attribuée à l'opérateur historique pour ses conditions générales de vente (153 pages au format PDF !)

SFR et Bouygues Telecom

Ces deux opérateurs négocient avec l'UFC-Que choisir et tardent à appliquer les règles instaurées à la suite du procès Orange. Médaille d'or pour Bouygues dont les CVG sont illisibles sans loupe.

eBay

Aucune garantie n'est offerte aux vendeurs ou aux acheteurs que ce soit en termes de paiement ou de livraison. eBay ne sert que d'intermédiaire... et empoche les commissions.

Lastminute.com

Pour ses photos rarement contractuelles surtout pour les destinations à faible trafic. La même image peut servir dans les descriptions de plusieurs hôtels.



 Achats en ligne : évitez les mauvaises surprises


Pour ne pas tomber dans les pièges et les zones d'ombre, voici quelques règles simples à suivre.


Lisez le contrat

Il est primordial de lire attentivement le contrat avant d'acheter un objet. La loi interdit les clauses rédigées en caractères illisibles, mais les clauses peuvent toutefois être écrites en petits caractères. Il est donc essentiel de tout lire pour être sûr de s'engager en connaissance de cause. Vérifiez que vous bénéficiez d'un droit de rétractation, le contrat doit en mentionner l'existence et les modalités.

Comparez les offres

Prenez votre temps pour choisir et évaluer les offres des divers professionnels. Comparez les prix, en ajoutant les frais de port, les taxes et, pour les achats hors Union européenne, les droits de douane. Lisez les conditions de retour du produit s'il ne vous convient pas ou s'il est défectueux. Aucune pénalité ou frais de dossier ne peut vous être demandé.

Obtenez les coordonnées du vendeur

Vérifiez que vous disposez de l'adresse postale complète Méfiez-vous des sociétés qui ne donnent qu'une boîte du commerçant. postale. Il est essentiel de savoir à qui vous avez affaire et où la société est établie. Les informations concernant le vendeur doivent être accessibles facilement. N'oubliez pas que vous aurez beaucoup plus de garanties et de possibilités de recours si vous traitez avec un professionnel plutôt qu'avec un particulier.

Fournissez les seules informations utiles

Ne donnez aucune donnée personnelle (vos habitudes de consommation, la composition de votre foyer, l'âge de votre voiture, etc.) qui ne soit nécessaire à la transaction que vous êtes en train d'effectuer. Vous risqueriez d'être submergé d'offres commerciales non sollicitées. Lisez attentivement les conditions d'utilisation de vos données personnelles : n'hésitez pas à demander qu'elles ne soient pas transmises à un tiers (un commerçant sérieux vous permet de le faire aisément, c'est d'ailleurs un bon test).

Contrôlez la commande à la réception

Un récapitulatif de la commande doit être prévu par le vendeur avant toute validation sinon le contrat n'est pas valable. Lorsque vous recevez les produits commandés, vérifiez soigneusement leur état et leur conformité par rapport à votre commande : notez les éventuelles réserves sur le bon de livraison et signalez immédiatement par écrit ou par courrier électronique tout problème au commerçant. Conservez toujours une copie imprimée (ou sauvegardée sur votre disque dur) de votre commande et du contrat.


Aline Delmare , L'Ordinateur Individuel, le 23/12/2004 à 07h00

Source: http://www.01net.com/article/261148.html

Publié dans Le Daily Freenaute

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